jeudi 8 novembre 2007

La fin de l'histoire et le dernier homme

Ici je présente mon compte rendu du livre phare du philosophe Américain Francis Fukuyama. Ce livre au retentissement mondial n'est pas aussi superficiel que j'ai cru au début. Ces thèses sont loins d'être catégoriques comme le prétendaient les stupides critiques par les médias arabes.


Le livre part des constats historiques (effondrement du bloc communiste) pour énoncer une conjecture : L'histoire de l'évolution sociale et économique finit avec les régimes libérales économiques. Les principaux preuves et causes sont :

-Que les régimes libéraux offrent le plus d'efficacité économique

--> Il a noté cependant une exception notable : le nazisme.

-Qu'il possède une légitimité, à la différence des régimes despotiques autoritaires

--> Il y'a encore le nazisme comme exception, mais encore l'ISLAM.

-Qu'il est robuste face à l'histoire. Une crise sociale ou politique finit en général par l'éviction du chef de gouvernement, ou du président de la république. Les régimes libérales n'ont pas besoin de la terreur de Mussolini ou d'Hitler pour maintenir l'ordre social.

Les mécanismes :

-L'égoïsme : un carburant formidable pour le développement économique. C'est la version de Lock.

-La lutte pour la reconnaissance : Il est intéressant de voir que ceci constitue le mécanisme fondamental de l'analyse Hegelienne de l'histoire. Elle explique aussi le dévouement personnel et la lutte pour la communauté. C'est un critère qui différencie fondamentalement l'homme des animaux.

-->Ainsi se faisait la distinction entre les maitres et les esclaves dans les différents types de sociétés : Les maitres sont toujours ceux qui acceptent le risque de la mort violente, alors que les esclaves sont ceux (ou celles) qui jugent que la servitude avec la certitude de la vie sauve est meilleure que le risque d'être tué dans la lutte pour la reconnaissance.

--> mais qu'en est il des sociétés modernes? Est-ce que cette explication est encore d'actualité? Pour Hegel, le désir de reconnaissance est la cause d'un phénomène spécifiquement humain : risquer sa vie pour une cause non matérielle. "L'ile de liberté" est pour Hegel une partie de la constitution humaine, là ou finit le déterminisme de la nature, là ou séjourne le "thymos". La société libérale démocratique est pour Hegel celle qui offre le plus de reconnaissance globale pour les maîtres et les esclaves.

-->Hegel diffère sur la conception de l'homme avec Locke et Hobbes, mais aboutit aux mêmes conclusions!

--> A la place de la lutte pour la reconnaissance (Ce que Socrate appelle thymos) incarnée dans le cas extrême par les fiers aristocrates Grecs ou Japonais, qui n'hésitaient pas à s'oter la vie pour l'honneur : notion très abstraite qui n'est reconue que pour l'homme à la différence des autres espèces. Pour Hegel, deux types de volontés de reconnaissance existent :

-La mégalothymia : vouloir être meilleur que les autres,

-L'isothymia : vouloir être l'égal des autres.

Ainsi, les sociétés modernes permettent la satisfaction de l'isothymia, mais limite la mégalothymia : En effet, elle est remplacée par la fierté nationale, fondement de l'état moderne.

Ces concepts sont cependant critiqué par l'école réaliste, avec Kissinger comme meilleur représentant. La conception réaliste, bien que réussissant à faire face à un monde en crise, prouve cependant qu'elle est très conservatrice et réductrice. Elle est incapable de s'adapter au monde nouveau après la chute du mue de Berlin.

Fukuyama introduit alors son apport : le concept de légitimité. Il argumente que la reconnaissance de légitimité est un moteur tout aussi important que le désir de reconnaissance ou de survie. Ce concept permet d'expliquer la décolonisation dans un certain nombre de cas. En réalité, j'estime que la légitimité est une sorte d'extension de l'isothymia.

Pour Fukuyama, la société libérale démocratique est la société qui satisfait le plus les citoyens car c'est elle qui assure le plus :

-l'instinct de survie et de plaisir (grâce à l'incomparable efficacité économique de ces sociétés)

-la reconnaissance par le thymos

-->que ce soit en isothymia : tous les citoyens sont égaux dans un système démocratique, plus de maitres, plus d'esclaves,

-->que ce soit en mégalothymia : car le système capitaliste offre la possibilité de reconnaissance de supériorité par les réussites individuelles et la glorification du succès et du rendement).

Enfin c'est un système dont la légitimité est reconnue par les citoyens puisqu'il découle de leurs volontés.


Mais la critique la plus profonde reste celle de Nietzsche remarquée par Tocqueville et Kojève aussi : La société démocratique, interdisant la supériorité, glorifiant la médiocrité et la morale de la populace, constitue pour Nietzsche un pas en arrière dans l'évolution. Avec la disparition de la lutte, de la "mégalothymia", de ce désir de supériorité aristocratique, l'homme cessera d'exister et redeviendra animal. Kojève ironisait en disant qu'en pratiquant la philosophie on s'achemine vers la fin de la philosophie et des arts.

Pour Fukuyama, le succès des démocraties libérales dépend de l'existence d'exutoires pour la mégalothymia, par exemple dans le domaine de l'esprit d'entreprendre, cher aux Anglo-Saxons, le projet de conquête de la nature cher aux scientifiques… Une solution temporaire est la vie associative comme étant une occasion pour affirmer l'humanité de l'homme et tempérer l'acheminement vers le "le plus méprisables des êtres" le dernier homme de Nietzsche. Cependant, la structure des sociétés libérales exercent une pression continue sur la vie de l'homme, d’où la tendance au rétrécissement des liens sociaux inconditionnels, et la montée de l'égoïsme.

D’où le risque final :

-ou l'apparition d'une société de derniers hommes, égoïstes, bornés, stupides, sans vertu ni passion "un peu de poison de ci de là pour se procurer de beaux rêves, beaucoup de poison enfin pour mourir agréablement" (Nietzsche),

-ou un retour à la barbarie.

La solution surprenante de Kojève est : la nécessité de la guerre périodique pour préserver l'instinct mégalothymique de l'homme. Le but ici, n'est pas un certain comfort matériel, ou la colonisation, ou la suprématie raciale ou nationale. Le but c'est les bénéfices secondaires sur le caractère humain, et la préservation de l'humanité (je me demande si ce n'est pas une des raisons des guerres périodiques des Etats-Unis : Ainsi on trouve encore dans ce pays des gens encore passionnés par des engagements prêts à faire des sacrifices immenses, à la différence des populations plus douillettes et efféminées de l'Europe).

Nietzsche disait : "Vous dites que c’est la bonne cause qui sanctifie même la guerre ? Je vous dis : c’est la bonne guerre qui sanctifie toute cause." (Ainsi parlait Zarathoustra)

Fukuyama propose que les événements de 1968 ne sont en fin de compte que l'éruption de l'instinct thymotique face à la vie bourgeoise et contre toutes raisons "rationnelles" classiques. Ici, Locke est dépassé. L'enthousiasme populaire pour la guerre de 1914 en est surtout une des manifestations les plus spectaculaires.

Fukuyama aboutit à la conclusion : Aucun régime n'est en mesure de satifaire l'homme. Les grandes guerre du vingtième siècle ont prouvé que l'héroïsme et la mégalothymia ne pouvaient déboucher que sur la mort inutile et anonyme. Le régime libéral en tant que compromis assurant l'isothymia à tous les citoyens et une mégalothymia contrôlée à la partie la plus remplie de passion parmi les citoyens et donnant enfin les meilleurs gages de sécurité individuelle, de plaisir et de comfort matériel est pour lui la meilleure alternative construite par la sélection naturelle de l'histoire jusqu'à présent.


Critique personnelle : Le livre est très bon pour avoir donné un aperçu très intéressant des idées sur les tentatives de donner un sens à l'histoire, surtout avec Hobbes, Lock, Hegel, Marx. Fukuyama donne sa contribution en introduisant le principe de légalité, c'est-à-dire de conformité avec l'ordre moral de la société. Dans le cas de l'Islam, il juge que le principe de l'Oumma est cohérent de point de vue moral, qu'il offre une satisfaction du thymos (puisque le musulman croit en sa supériorité). Cependant, il aboutit à une impasse intellectuelle (car son système de pensée n'est pas cohérent), il est en faillite matérielle (que ce soit de point de vue économique, militaire). Ainsi, on voit aujourd'hui que malgré la forte résistance de l'Islam aux valeurs démocratiques libérales, il est de plus en plus en situation défensive. Fini les grandes invasions et accroissements d'influence par la force militaire ou par l'influence culturelle. Désormais, l'Islam est en guerre contre les tenants de la société libérale même dans l'Arabie Saoudite. Le pétrole, joue désormais le rôle de morphine, puisqu'il permet à l'Islam de fournir un état acceptable d'aisance matérielle qui serait normalement impossible sans la migration vers la société de consommation libérale.

Le livre présente une synthèse satisfaisante des théories du postmodernisme avec Kojève, Tocqueville et Nietzsche. J'ai été frappé par sa prudence de ses conclusions. En fin de compte, rien n'interdit dans le futur un nouveau régime réussi permettant une plus grande satisfaction du mégalothymia. Théoriciens, à vos plumes!

Je conseille ce livre à toute personne qui a le dessein d'aborder les théories sur l'histoire et l'économie politique. ce livre loin d'être révolutionnaire présente toutes les qualités des ouvrages Américains : structuré, lisible, agréable et cohérent, il me change beaucoup des jeux de subtilités de langage de certains auteurs Allemands.

dimanche 4 novembre 2007

A quoi est ce qu'on appartient

Aujourd'hui, je trouve que l'appartenance la plus plausible pour l'homme est l'humanité, mais il n'en était pas toujours ainsi. Au début, c'était le tribu, puis la cité (Athènes, Sparte, Rome) puis la nation (Rome) ou religion (Islam, christianisme) ou race (race blanche, race Aryenne, race Japonaise...)

A chaque fois, il y'avait un idéal d'égalité entre les adeptes de la même appartenance et un haine/mépris profond pour les autres.

Mais, après toutes ces années, on a découvert que les différences sont en réalité négligeable, car si un groupe/religion/race aurait été supérieur, il aurait dominé facilement les autres, et l'étendue de sa force serait comparable à celle de l'homme face à l'animal.

Maintenant on assiste à l'excès inverse : vouloir étendre cette appartenance à des animaux, des plantes, peut être même à la nature!

Ce sont toujours les mêmes qui le revendiquent : des gens chétifs et bourgeois, sans aucune volonté vivante, sans une réelle passion. Des gens emporté par des sentiments sans les comprendre ou les mettre dans le collimateur d'un projet de vie.

Moi je revendique cette appartenance : Il est vital que l'appartenance soit entière et exclusive à l'humanité.

Ceci exclurait définitivement tout ce qui n'est pas humain : on ne peut donner à la souffrance de l'homme la même valeur que les réflexes d'un animal. L'homme entier et seul doit rester la référence.